DÉCLARATION: FORUM DES ORGANISATIONS NATIONALES DES DROITS HUMAINS EN MAURITANIE (FONADH), LE 27 NOVEMBRE 2019 A SON SIÈGE

Indépendante depuis le 28 Novembre 1960, la Mauritanie, nation multiculturelle au passé glorieux et dont le peuple, dans sa diversité, a l’Islam comme ciment, avait tout pour réussir.

Dès le départ, les pères fondateurs avaient pris conscience qu’un Etat multi-ethnique, sans unité, sans égalité et sans justice, ne pouvait aspirer au développement ; la devise dont ils avaient dotée la Mauritanie en témoigne : Honneur – Fraternité – Justice.

Malheureusement, l’Etat mauritanien, sous le règne des militaires qui avaient déserté les camps pour les lambris dorés du pouvoir, était tombé, petit-à-petit, dans un cycle d’arrestations, de détentions arbitraires, d’exécutions dont le point d’orgue fut les tueries extrajudiciaires, les assassinats et les meurtres de soldats negro-mauritaniens dont certains avaient donné leur sueur et leur sang pour défendre la patrie.

A ce titre, la période 1990-1991 a marqué d’une pierre noire l’histoire d’une Mauritanie où l’horreur se le disputait à la barbarie quand, alors que les populations de la Vallée souffraient encore le martyrs du fait des évènements de 1989, des soldats négro-mauritaniens étaient arrêtés, torturés, tués, enterrés sans sépulture dans plusieurs camps militaires : Azlat, J’reida, Inal… Inal où, le 28 Novembre 1990, 28 soldats et sous-officiers négro-africains ont été lâchement pendus pour fêter l’anniversaire de l’indépendance.

Cette date, souillée par cette barbarie sans nom, était devenue pour une frange de la Mauritanie, le symbole du génocide et de l’épuration ethnique dont les chefs d’orchestre n’étaient autres que le colonel Ould Taya et ses suppôts qui, non contents de diviser le peuple mauritanien, avaient désacralisé la vie humaine et ébranlé les fondements du vivre ensemble, tant leurs méfaits endeuillaient une partie bien ciblée de citoyens qu’ils assimilaient non plus à des compatriotes mais à des êtres susceptibles d’être sacrifiés pour assouvir des instincts macabres.

Le 28 Novembre, aujourd’hui, n’est plus un jour de joie, un jour de communion, un jour de retrouvailles autour de ce qui unit, mais plutôt un jour de deuil, un jour de recueillement à la mémoire des martyrs tués par des criminels qui courent toujours et dont certains jouissent des privilèges dans un pays où la mémoire est en berne ; une mémoire devenue hantise tant le cri des veuves, les pleurs des orphelins et la complainte des déportés et autres rescapés  continuent de rappeler à tous que sur cette terre, hier paisible, hier pieuse, des assassins avaient perpétré leurs crimes qui, jusqu’à date, sont restés sans réparation.

La somme de toutes ces douleurs constitue le passif humanitaire, un passif qu’aucun régime n’a encore réglé ; un passif que le régime de Mohamed Ould Abdel Aziz avait voulu enterrer, de façon expéditive, par des expédients et des miettes, loin des règlements propres à ce genre de problème, notamment la justice transitionnelle. La démagogie et les discours pompeux ne trompent personne : les veuves continuent de souffrir le calvaire, les déportés – mêmes ceux revenus – n’ont pas retrouvé leurs terres et beaucoup n’ont plus d’identité faute de pièces d’état civil ; l’identification des tombes de ceux qui ont été tués sans raison n’est presque plus d’actualité ; la prière de Kaédi et la « Journée de la réconciliation nationale » sont devenues des souvenirs.

Aujourd’hui, 28 Novembre, jour de célébration de l’indépendance nationale, le FONADH

  • attire l’attention de l’opinion publique nationale et internationale que cette date est synonyme, pour une frange importante de la population mauritanienne, le jour où 28 soldats furent pendus sans raison ;
  • exige que le passif humanitaire, devenu un boulet attaché aux pieds de la Mauritanie, soit définitivement réglé, en concertation avec les victimes et/ou leurs représentants, avec la prise en compte de tous les devoirs : devoir de vérité, devoir de justice, devoir de réparation, devoir de réconciliation et devoir de mémoire ;
  • rend le pouvoir responsable de la situation de précarité dans laquelle vivent les victimes depuis bientôt 30 ans.

Enfin, le FONADH, conscient qu’un Etat de droit ne peut se construire sans justice, sans égalité, sans liberté, exige que l’exercice des droits tels que reconnus par les règles qui fondent la République et assoient la démocratie ne souffrent d’aucune entrave et d’aucune contrainte.

Fait à Nouakchott, le 28 Novembre 2019

Les signataires :

  • Association Mauritanienne des Droits de l’Homme (AMDH),
  • Collectif des Anciens Fonctionnaires de la Police Victimes des Evénements de 1989
  • Collectif des Rescapés, Amnistiés, Détenus Politiques Civils Torturés(CRADPOCIT)
  • Collectif des Veuves,
  • Comité de Solidarité avec les Victimes des Violations des Droits Humains en Mauritanie(CSVVDHM),
  • Groupes d’Etudes et de Recherches sur le Démocratie et le Développement Economique et Social (GERRDES),
  • Ligue Africaine des Droits de l’Homme (Section Mauritanie),
  • Regroupement des Victimes des Evénements de 1989- 1991 (REVE),
  • SOS – Esclaves,
  • Association des Femmes Chefs de familles (AFCF),
  • Association de la Femme Citoyenne Engagée (AFCE)
  • Association Mauritanienne pour la Promotion de la Langue et de la Culture SOONINKE (AMPLCS),
  • Association pour la Renaissance du Pulaar en RIM (ARPRIM),
  • Association pour le Renforcement de la Démocratie et de l’Education Citoyenne (ARDEC),
  • Association pour le Développement Intègre de L’Enfant (APDE),
  • Association pour la Promotion de la Langue Wolof en RIM (APROLAWORIM),
  • Association d’Appui au Développement à la Base (SALNDOU).
  • Ligue Mauritanienne des Droits de l’homme (LMDH),
  • Union Nationale des Rapatriés Mauritaniens du Sénégal (UNRMS)